« La chose »

Soudjay FAHARIDINE

C’est la première fois que Monsieur Jean me sort de mes montagnes et m’emmène quelque part. Je suis dans ce qu’on appelle une ville, en haut d’un bâtiment, devant une grille, accroché à une barrière, en face d’une sorte de terrain vague.
À cette heure-ci le ciel est bleu, pas de vent, quelques oiseaux qui volent ici et là. En voilà un énorme qui arrive. Soudain un bruit fracassant me secoue le corps. D’où vient-il ? Je me tourne et me retourne et subitement, devant moi, l’énorme oiseau semble avoir du mal à marcher.
Comment et avec quoi peut-on blesser un si gros oiseau? Qui a pu faire une chose pareille ? Ce ne sont pas les petits diables de mes voisins, leur lance-pierre ne suffirait pas pour faire tomber un oiseau de cette taille.
L’oiseau approche. Mes mains tremblent, je tremble tout entier: Mais ce n’est pas un oiseau ! Il a la tête plus haute qu’un cocotier, le ventre plus gros que tous mes baobabs réunis, les ailes plus étendues que mon champ de blé, ses pieds n’ont ni orteils, ni ongles.
Décidément, non, ce n’est pas un oiseau. C’est une Chose, là, au milieu du terrain vague, qui vrombit, gronde, agonise, avec ce bruit aussi puissant que les alizés dans la forêt de bambous. Tout le monde s’est retiré, loin de la chose.
Le bruit s’arrête et on se précipite. La Chose est morte, on va à son secours. On apporte des échelles pour monter sur son dos. Il ne doit pas y avoir d’échelle assez haute. Ce qu’ils ont trouvé comme échelle arrive à peine au milieu de la tête de la chose et au milieu du ventre. Des pompiers s’approchent, ou des médecins, en tout cas ils ont les mêmes vêtements. Deux courageux gravissent les échelles, montent jusqu’au bout, auscultent la Chose, regardent partout et tapotent la peau de la Chose, rien ne bouge. Elle est bien morte. Les deux courageux crient quelque chose à leurs collègues qui n’ont pas osé monter sur l’échelle et ils ne s’aperçoivent plus de ce qui se passe derrière eux.
La Chose vient de se trouer à l’endroit où les échelles sont posées, laissant passer deux sortes de gros insectes, noirs et gesticulants.
Des humains sortent du ventre de la Chose et empruntent l’échelle !
Monsieur Jean m’appelle, il est temps de partir. A-t-il vu ce que j’ai vu ?
Des humains dans le ventre d’un gros oiseau mort. Ça alors ! Comme ils ont du souffrir !
Je me rappelle l’histoire de la baleine qui avait avalé la pirogue et les deux pêcheurs. On a dû pêcher la baleine pour les sortir de là.
— As-tu vu ce que j’ai vu, Monsieur Jean ?
— Quoi ?
— La chose, le gros oiseau ?
— L’avion ?

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