Page Poésie

La poésie, c’est ce qu’on rêve, ce qu’on imagine, ce qu’on désire et ce qui arrive souvent. La poésie est partout comme Dieu est nulle part. La poésie, c’est un des plus vrais, un des plus utiles surnoms de la vie.

Jacques Prévert

_______________________________________________________________________

La poésie, n’est que par accident théorique le discours qui s’absente de la parole commune (…). Elle a trait à la vie, la plus ordinaire, comme les conversations sur les terrasses aux brefs moments, où cette vie, justement, nous en consent le bonheur. Elle veut rendre à la vérité générale – à un mot reformé, guéri, à la fois concept et symbole – la part du mot d’à présent qui est blessée, étouffée, mais dont elle garde mémoire.

Yves Bonnefoy


______________________________________________________________

Les Éditions L’Ail des ours ont été créées le 1er mai 2019. C’est une maison d’édition consacrée à la poésie contemporaine.

Chaque livre est une rencontre.

www.editions-aildesours.com

______________________________________________________________

PRIX GONCOURT 2023

Laura Vasquez

Souvenons-nous de ces dialogues filés dans Semaine perpétuelle comme par exemple :

 » Elle replaça une mèche derrière son oreille mais ses cheveux
lui restèrent dans la main. Elle dit : Il y a très peu
d’alcooliques sur terre, c’est rare. Plus rare que les pandas.
Sara regardait son téléphone. Il n’y a presque plus de
pandas dans le monde, tu le savais ? Environ 1 000, pas plus.
Pour devenir alcoolique, il faut au moins 10 ans, mais
souvent 20 ou 30, ou même 100. Il faut travailler tous les
jours et boire tous les jours. On ne se rend pas compte, c’est
un travail sans pause.
Entre les phrases, Catherine rentrait ses lèvres dans sa
bouche. Elle dit : Je cherche un sentiment. Il y a quelques
années, je regardais une émission sur l’alcoolisme, elle était
tellement bien faite, ça m’a donné envie de boire. Je n’avais
jamais bu. J’ai trouvé mon chemin. Beaucoup de gens
s’arrêtent, je les comprends, ils font des cures. Comment
ne pas comprendre? Ils ne peuvent pas tenir, alors je les
comprends. Ils commencent mais… Je comprends. La
plupart des gens n’ont pas la force, moi-même… J’ai
souvent pensé… Plusieurs fois… On y pense, mais je ne
vomis pas, c’est ce qui me sauve. J’ai des cirrhoses, mais je
ne vomis pas. Mon corps s’est fortifié, il est devenu proche
de l’alcool. La nuit, je n’ai plus besoin de me réveiller, mon
corps boit dans mon sommeil. Mon corps ouvre une
bouteille, il se la boit, il se l’enfile, et moi je dors. Pour en
arriver là, j’ai travaillé ma belle, j’ai travaillé, mais il me reste
encore un grand chemin. Un long chemin de merde. C’est
long surtout la journée. Parfois, c’est vrai, je me sens seule,
mais ça n’a aucun rapport avec les autres. Les autres ne
m’intéressent pas. Ça ne m’intéresse pas. Je suis seule avec
moi, mais sans moi. Comment dire… Je n’ai pas ma
compagnie… Voilà, je me cherche, je ne me trouve pas. Tu
ne vas pas comprendre. Je me cherche, je me cherche, je
travaille… On travaille beaucoup… Même les débutants…
On travaille en permanence. 89 % de l’alcool dans le
monde est bu par les alcooliques.
Sara releva la tête, elle dit : Comment tu sais ?
Oh, je l’ai lu ma belle. Je l’ai lu parce que je sais lire. J’ai vécu
comme toi et moi, je savais lire. Tu vois, si tu étais moi tu
serais moi. On m’a souvent dit : Catherine, si j’étais toi, je
ferais comme ci, je ferais comme ça. Mais si les autres
étaient moi, ils seraient moi, c’est tout. Et si j’étais les autres,
je serais quelqu’un d’autre.
Et tu fais quoi de tes journées ?
Je nourris les chats dans les terrains vagues. Tu as déjà vu
des gens qui nourrissent les chats dans les terrains vagues ?
Peut-être.
Certainement ma belle, certainement. Et c’est bien normal,
car tout le monde nous a vus. Tout le monde nous croise.
On nous trouve dans toutes les villes, tu le remarqueras.
Dans tous les quartiers, partout dans le monde, on marche
mal, on nourrit les chats dans les terrains vagues. On se
connaît les uns les autres, on boite, c’est la famille. On
essaie d’être alcoolique, mais les journées sont longues,
alors on nourrit les chats comme d’autres vont à la messe,
en signe d’appartenance.
Ah, je ne savais pas.
Tant qu’on ne l’a pas vécu, on ne peut pas savoir. Tu vois,
les chiens dans les terrains vagues, on trouve aussi des
chiens dans les terrains vagues, très maigres et sales, les
chats ont des yeux crevés, mais les chiens sont sales, maigres
et pleins de poux, tu vois ces chiens ? Ils veulent me
ressembler.
Pourquoi ils voudraient te ressembler ?
Oh ça ma belle, je ne sais pas, je n’en ai pas la moindre idée.
Par contre il y a un moment où je sais tout, il y a un instant,
une seconde, quand je bois, un instant, quand je suis saoule,
pas trop saoule, presque trop saoule, mais pas très saoule, il
y a un moment où je sais tout. Je comprends tout et je
pardonne. Je te pardonne. Je me pardonne, mais j’oublie,
c’est le problème. Quel ennui cette ville, tu ne trouves pas ?
Tout est à vendre ici, les pharmacies, les tabacs, personne
n’en veut, personne n’achète. Et ce théâtre, toujours fermé,
ces marches et cette place triste. Quand des bâtiments sont
détruits, des bâtiments sont construits et ces bâtiments
sont à vendre, mais il n’y a rien à faire, personne ne les
achète, je parle, j’enchaîne, ce matin, je me suis réveillée
avec une glaire magnifique sur le visage, une glaire d’alcool,
souvent je bois du white spirit, tu connais ? L’esprit blanc.
Tu as quel âge?
Tu me donnes 60 ?
Oui.
J’ai 35 ans ma belle.
Catherine souriait des lèvres obscures, elle dit : Et toi ? 19.
Qu’est-ce que tu fais alors sur cette place si tu ne bois pas ?
Que font les gens qui ne boivent pas déjà?
Je me filme.
Ah oui, c’est vrai, je t’ai vue tout à l’heure. Je n’aime pas du
tout ce style, pour moi c’est de la merde, ces paroles, ces airs,
c’est de la pure merde.
Elle le dit avec un sourire doux, comme un compliment.
Elle aspira ses lèvres à l’intérieur de sa bouche avec un bruit
de succion. Le son lui rappela peut-être les bébés, car elle
dit : Chaque fois que je rencontre un homme, je tombe
enceinte, mais grâce à l’alcool, je perds les fœtus, alléluia.
Mon frère écrit des poèmes.
Oh, ça, ma belle, je m’en fous. Je ne m’intéresse pas aux
autres.
Tu veux que j’en lise un ?… »

_______________________________________________________________________

PRIX DES TROUVÈRES 2023

Grand Prix de Poésie de la Ville du Touquet

https://www.editionshenry.com/

_______________________________________________________________

France Culture : Pour certains, elle a disparu. Pour d’autres, elle est partout et explore enfin d’autres lieux. Etat des lieux de la poésie contemporaine.

www.facebook.com

https://www.facebook.com/83625483348/posts/pfbid0LqJzdtdtXVEjJCZVvWgoo4xsdoQ7P3VCMiukzLA24Q4cfyqr5E1E4PRKTgcHSWVcl/?sfnsn=scwspmo