« Plan rapproché pour une rencontre »

Pierre PANISSET

La pointe des cheveux se rappelle nostalgique la blondeur qui fut. En remontant le long de la gaine capillaire, on peut se rendre compte de la teinte poivre et sel qui est.

Au-dessous, sans qu’on puisse espérer une conclusion définitive quant à l’intelligence, on découvre un front légèrement ridé. Une cicatrice en barre le côté droit.

Ce front haut surmonte de petits yeux enchâssés comme pour mieux cacher les sentiments derrière d’épaisses paupières lasses. Des pupilles d’un bleu gris, caractéristique familiale paternelle, essayent tant bien que mal d’empêcher toute lecture des pensées.

Un nez sans relief excessif qui ne relève pas d’une esthétique olympienne, une bouche commune, fonctionnelle, délimitent deux pommettes, petites pommes rondes et rouges qui ne sont pas, ne vous y trompez pas, dues à une appétence éthylique mais à un trait génétique.

Rien de bien attirant à une époque, comme vous le savez, où tout se juge sur l’esthétique.

En prenant la direction du sol, on trouve ce qu’on peut appeler une inversion des critères de beauté, tels que recherchés dans les revues de mode ou les pages de publicité.

Ici les tablettes de chocolat ont été remplacées par des mottes de beurre. L’embonpoint en effet n’est pas une légende, mais un fait établi.

Ce qui est bien réussi, en contrepartie, ce sont les fesses. Elles sont fermes, bien dessinées et musclées.

Mais cela ne suffira pas à sauver l’apparence globale. De la virilité du personnage, à cet endroit précis, on n’en dira rien. Chacune pourra à sa guise imaginer.

En dessous de ce torse désolant, des jambes trop courtes pour être efficaces et des pieds plats pour finalement palmer l’affaire.

Mais à l’intérieur… ! Si vous arrivez à pénétrer cet espace prohibé, à enfreindre les lois de la sphère privée, à enjamber les clôtures, à dépasser la simple visite, peut-être découvrirez-vous une âme, un souffle, une langueur amoureuse.

Ne vous fiez pas aux apparences ! L’ensemble est cohérent comme un « crumble », gâteau raté à l’extérieur, mais de si bon goût si on s’y arrête.

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