Fausta Trivella
Lui, ce timbre guttural qui terrorise la vieille chatte quand il rentre des champs, harassé, titubant, la bouteille vide de Kiravi dépassant de sa musette, sans cesse à hurler que sa femme n’est qu’une bonne à rien. J’ai appris à me taire depuis longtemps. De palabre en palabre, il accompagne la nuit, le verre toujours plein posé sur une nappe souillée, les mains tremblotantes, les jambes squelettiques croisées sous la table. J’entends l’hypothétique injustice de la vie à jamais imprégnée dans ce corps imbibé. « Quand on est un homme, on sait boire ! » claironne-t-il du fond de la cuisine. Les chevaux ne gagnent jamais sur ses tickets perdus, poches percées, cœur troué. Dans une vie aussi délabrée que la sienne, l’amour a pris la couleur du deuil, celle du noir des robes des femmes servantes et obéissantes. Il se plaint que la vie à la campagne est rude, pauvre soliloque devant son assiette intouchée, spectre humain sous les outrages des années de beuverie, je n’ai qu’une envie assommer de ma canne cette pauvre loque.