« Rêveuse »

Marie-Pierre STEVANT-LAUTIER

Avec les rêves, on peut se surprendre.

 Nuits opaques. Pas de souvenirs de rêves la plupart du temps. Un aplat dont j’ignore la couleur. Bleu- nuit peut-être. Souvent, les rêves ont pour moi la douceur d’une couverture, ou le moelleux d’un chandail. C’est encore le réveil qui crée le mieux cette sensation. Rêver, comme on improvise une recette de cuisine avec les moyens du bord. On ne sait pas à l’avance la saveur dominante.

 Avec les rêves, on peut pleurer.

 Rêver, comme une manière de vivre vite, en court-métrage, et sans être interrompu. Rêves de couloirs, de labyrinthes, portes fermées, couloirs encore, portes béantes. La sortie n’est pas prévue, ça ne pose aucun problème, je ne la cherche pas. Je déambule. Deux termes d’un même champ, « rêve » et « onirique ». « Onirique » est joyeusement dissident, « rêve » est un acte tendre .

 Avec les rêves, on peut croire.

 Rêves de pluie, d’orage. J’entends les flic flic ploc. J’entends le tonnerre, j’entends les feuillages soumis. J’entends les cliquetis, le ruissellement, la claque du volet. J’entends le fin rideau de la pluie. Pas de visuel. Je ne m’attache pas à mes rêves. Ils me le reprocheront un jour. Rêve d’album-photo dont je tourne les pages. L’album est à moi, mais ce n’est pas moi, c’est une main inconnue. Les photos sont floutées. A chaque page, des odeurs de talc, de poudre de riz, des couleurs sépia. C’est l’album de mes ancêtres, je le sais, mais je ne vois pas leurs visages.

 Avec les rêves, on peut jouer à cache-cache.

 Rêve de poursuite. Angoisse. Je cours, je ne respire plus, toujours le corbeau à me surveiller et la femme en noir me rattrape, par à coups, je la sème, elle est encore là, noir corbeau, angoisse.

 Avec les rêves, on peut être étranger.

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