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Pourquoi les hommes ont-ils deux mains ?

Marie-France Perriol

—  Dis, Grand-père, pourquoi les hommes ont-ils deux mains ?

—  Ah, c’est une vieille histoire…. Ecoute, petit, je vais te la raconter.

Un jour, il y a très, longtemps, Dieu a créé l’univers puis a eu envie de le peupler. Il a inventé les plantes, les animaux, mais il manquait quelque chose….  Il a pris de la terre et a façonné une belle boule bien lisse, qui pouvait rouler une fois séchée au soleil. La Boule avançait si on la poussait ou si le terrain était en pente. Mais elle ne pouvait pas se mouvoir toute seule. Pour remédier à cet inconvénient, Dieu inventa deux jambes articulées munies de pieds, qu’il fixa l’une à gauche de la Boule et l’autre à droite, pour assurer sa stabilité. La Boule avançait, reculait, tournait, pouvait sauter ou s’arrêter pour se reposer. C’était un progrès incontestable. L’ennuyeux, c’est que, ne voyant rien, elle ne savait pas où se diriger et ne parvenait pas à éviter les obstacles. Dans son atelier, Dieu réfléchit et la dota de deux globes oculaires, un à gauche et un à droite, pour qu’elle puisse voir ce qu’il y avait autour d’elle. Ecarquillant les yeux, la Boule partit découvrir le monde. Elle marcha dans l’herbe verte, sur la terre ocre, sur le sable blond le long de la mer, sur la neige blanche des hautes montagnes. Mais Dieu n’était pas satisfait : Il ne savait pas ce qu’elle pensait.  Il l’emmena de nouveau dans son atelier et la dota d’oreilles pour entendre, d’une bouche pour parler, et aussi pour goûter. Aussitôt, la Boule s’adressa à son créateur. « Merci, mon Dieu. Maintenant je peux parler, chanter, manger ». Elle reprit l’exploration de l’univers. Au bout de quelques temps, elle revint à l’atelier et donna un coup de pied dans la porte afin que Dieu lui ouvre.

—  Qu’y a-t-il ? interrogea le patriarche surpris. 

—  Mon Dieu, voyez-vous, je peux voir les fleurs, mais je ne peux pas sentir leurs parfums ni les prendre. Dieu reconnut le bien-fondé de ces réclamations. Il lui posa un joli nez au-dessus de la bouche, entre les deux yeux, façonna un ventre en dessous, au milieu duquel il fixa un bras, terminé par une main munie de cinq doigts. La Boule n’avait plus du tout la forme d’une boule. Dieu décida de l’appeler « Homme ». Ravi, l’Homme remercia Dieu et s’en alla. Joyeux, il gambadait. Il lui arrivait même de danser tant sa nouvelle apparence lui plaisait. Il prenait les cerises avec sa main, les mettait en boucles autour de ses oreilles, approchait son nez des corolles multicolores pour humer leur parfum, caressait le dos des chats qu’il croisait sur son chemin.

Un an plus tard, il revint trouver Dieu. Il frappa à la porte de l’atelier.

—  Comment vas-tu, Homme ? demanda-t-il.

  • Mon Dieu, je m’ennuie, avoua l’Homme. Je suis triste d’être seul. Dieu trouva cette demande judicieuse et décida d’y remédier illico. Il façonna une autre boule. Pour la différencier, il lui ajouta deux petits seins, l’un à gauche, l’autre à droite.

— Tiens, voici une compagne, dit-il Appelons-là « Femme » et vivez heureux. L’Homme et la Femme remercièrent Dieu et partirent la main dans la main parcourir le monde.

Un an plus tard, ils revinrent frapper à la porte de l’atelier.

—  Encore vous ? dit Dieu. Qu’y a-t-il encore ?

—  Mon Dieu, dirent-ils en chœur, ça irait beaucoup mieux si vous pouviez arranger un petit détail. Un bras et une main, c’est bien, mais deux, ça serait beaucoup mieux : je pourrais l’enlacer et elle pourrait m’enlacer aussi. Avec deux mains, nous serions beaucoup plus adroits et performants qu’aujourd’hui. Dieu leur confectionna un autre bras muni d’une main avec cinq doigts et recula d’un pas pour juger de l’ensemble. Satisfait, il les renvoya et leur demanda de ne plus revenir, parce qu’il ne voyait pas ce qu’il pourrait encore améliorer. L’Homme et la Femme remercièrent Dieu et s’en furent, bras dessus, bras dessous, donner naissance à l’humanité. Depuis, plus personne ne connaît le chemin de l’atelier

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