Marie Sans
Le pêcheur
Un cri perçant atteint mes tympans, je me retourne brusquement, c’est la voix d’Eurydice.
Elle se plie, son torse se vrille, ses muscles se tétanisent, son bras tendu semble paralysé, sa peau change subitement de couleur. Une vipère vient de la mordre. Je l’aperçois, elle a surgi de l’herbe fleurie, elle s’est retournée, elle vient vers moi ! Va-t-elle m’atteindre ? Suis-je en danger ? Dois-je aller au secours d’Eurydice ? Que dois-je faire ? Je ne puis rien pour la sauver, elle va mourir, elle le sait.
Orphée ne s’aperçoit-il donc pas du drame qui se déroule si près de lui ? A-t-il vu la vipère ? Il a sûrement entendu le cri, il a du reconnaître la voix de sa bien-aimée ! Il semble indifférent, son regard est ailleurs. Est-il sourd et aveugle pour refuser la vérité ? A-t-il peur de vivre sans elle ? L’aime-t-il vraiment ? Je doute de ses sentiments, je le connais, il y a en lui deux personnes, l’un qui affirme haut et fort de nobles sentiments, l’aitre qui dans son for intérieur repousse tout attachement et ne se complaît qu’avec lui-même
Eurydice
Je cours rejoindre mon Orphée, je renverse un pot, je tombe à genoux, je tourne la tête car je viens de sentir une douleur vive à mon talon droit. Je pousse un cri, à la fois de douleur et d’appel au secours. Je tends le bras droit en direction de mon bien-aimé. Je comprends ce qui vient de se produire, une vipère m’a mordue, je sais que c’est mortel.
Me muscles se raidissent, je vois mes tendons se contracter, mon bras droit se fige, se paralyse, mon sang ne circule plus dans mes veines, j’ai froid, très froid, je sens ma fin proche.
Pourquoi Orphée ne vient-il pas à mon secours, n’a-t-il pas entendu mon cri ? M’a-t-il vu tomber ? M’aime-t-il vraiment ? Le saurai-je jamais ?
Je suis haïe des dieux, je retournerai en Enfer ou je reviendrai un jour sous une autre forme.
À cet instant où je rends mon dernier soupir, une seule interrogation, Orphée ne m’a-t-il jamais aimée ?