« L’oliveraie magique »

Danielle VERON

Au cours de sa promenade quotidienne, dans une oliveraie plusieurs fois centenaire, une cavalière, vêtue d’une redingote noire et d’une jupe assortie, s’arrête brusquement au milieu des feuilles tombées, comme si elle était face à une apparition et regard au sol, trois mots malgré elle, sortent de ses lèvres roses « Je m’appelle Héloïse ».

Rentrée de la balade, elle ôte sa tenue d’amazone, enfile un jean et sous l’œil attentif de Neige, son chat préféré, elle tente de se délasser près de la cheminée mais elle pense au point précis où elle s’est arrêtée il y a deux heures à peine et où elle a prononcé ces mots. Comme si c’était un lieu magique qui avait à révéler un mystère.

Le lendemain, le cheval conduit Héloïse exactement à l’endroit de la veille. La jeune femme cette fois met pied à terre, observe scrupuleusement le sol. Au milieu de l’humus, elle croit deviner la forme d’un visage, un visage pas complètement inconnu d’elle. Elle contemple un long moment cette empreinte de visage. Rêve-t-elle ? Le visage semble lui sourire. Elle rentre au galop, saisit les albums photos dans la bibliothèque. Dès le troisième, elle tombe, stupéfaite, sur une épreuve au format carte postale sépia, datant de 1910, représentant un grand-oncle de son père, à cheval, en tenue d’officier de la garde républicaine. La ressemblance avec l’empreinte du visage au pied des oliviers est frappante. Cet oncle si lointain, si élégant sur son cheval, à l’uniforme seyant, veut-il lui transmettre un message ?

Les jours suivants, elle passe de longs moments dans l’oliveraie, près de l’empreinte. Héloïse croit à la communication par-delà la mort. Et un jour, le dialogue s’instaure entre eux :

— Bonjour Héloïse, merci de me rendre visite chaque jour.

— Bonjour, je crois vous avoir reconnu sur une photo dans l’album de mes ancêtres, murmure-t-elle perturbée.

— J’étais militaire et j’ai eu la chance de ne pas périr pendant la grande guerre. Oui, c’est moi sur cette photo. Ecoute bien Héloïse, derrière le mas il y avait une fontaine.

— Elle est encore là.

— Creuse en-dessous, tu découvriras une malle remplie de mes souvenirs de guerre. Tu trouveras aussi une bourse en peau de chèvre garnie de pièces d’or. Je t’en lègue le contenu. J’apprécie tant ta gentillesse et ton amour des chevaux.

— Oh ! Merci, s’exclame Héloïse émue, confuse et confiante.

Elle s’empare de quelques outils dans le cabanon, et à l’endroit indiqué commence à enlever la couche de gazon, poursuit sa besogne à l’aide d’une pioche qu’elle manie avec une dextérité surprenante. Après deux heures d’efforts soutenus, l’outil cogne contre un obstacle.

Héloïse en sueur pousse un cri de joie. Le visage parlant de son ancêtre lui a confié un vrai secret. Quelques brouettées de terre plus tard, le dessus d’un coffre apparaît. Le bois et le fer sont bien conservés. Mais Héloïse est tout à coup épuisée, et sous l’effort à fournir pour extraire la totalité de sa trouvaille, elle se sent prête à abandonner quand Neige vient lui tenir compagnie. Elle réunit ses dernières forces et extirpe le coffre de sa cachette. Avec mille précautions, elle en soulève le couvercle. Déception ! Il ne s’y trouve que des dizaines de figurines militaires cassées, désarticulées. Sous ces corps mutilés, elle découvre cependant des médailles militaires, des cadres, des distinctions honorifiques, un carnet rempli d’anecdotes, des cartes postales et tout un bric à brac sans importance. Soudain, sous un autre cadre, apparaît la bourse en peau de chèvre ! Bien réelle, en très bon état, rebondie, contenant au moins une centaine de pièces d’or !

La jeune fille en extase regarde le ciel et remercie ce vieil oncle. Elle pourra désormais sans souci subvenir aux besoins de ses chevaux.

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