« Le désert avance »

Martine RIVOIRE

Loin des minarets, des boutiques panachées, des palmeraies juteuses, de la marée noire des souks saturés ; par la piste chaotique de l’Hamada obscur, poussiéreux et aride, les cailloux se chevauchent grossièrement sous le passage des 4X4. Tu t’impatientes !

Sol disloqué. Le rocher devient caillou, les cailloux deviennent poussière. Au fur et à mesure du désert, le noir charbonneux, dans un tourbillon se nuance. Une mixité provisoire s’accentue. Au loin, le désert se dessine. Tu perds ton regard dans ce chamboulement cosmique. Tu as soif de couleurs. Tu bois le désert. Tu l’absorbes. L’impasse t’oblige à marcher. Tu t’approches. Tu l’atteins.

Brouillage des pistes dans ton dos. Plus de repères ! Pas de boussole dans ce labyrinthe de craies coloriées. Du sable, encore et toujours du sable. Rien que du sable farineux. Le vent fouette ton visage, se fraie un passage dans les plis de ta djellaba bleu indigo, irrite tes yeux, et gerce tes lèvres. Le simoun vorace cingle ta peau. Tu t’abandonnes face aux puits de lumière, aux cuvettes de couleurs des profondeurs charnelles des dunes. Nudité de la terre. Le paysage se déhanche : le creux d’un ventre, l’arrondi d’un sein. Tu escalades les vides et les pleins d’une peau veloutée sous le soleil impérial. Ton regard capture l’envol de l’oiseau du désert. Il plane, ailes déployées en quête de proie. Figée, tu savoures le magnétisme qui se mérite. Instant poétique d’un spectre lumineux. Pentes panachées, ondulées, lézardées par le vent, maître du site, qui fait puis défait les dunes. Les couleurs se dérobent sous le coucher du soleil : rouge flamboyant, orange sanguine, ambre, ocre jaune, safran, fuchsia, rosé beige, terre ombrée. Couleurs criardes, puis délavées, dans une étoffe aux reflets changeants.

Tu te perds dans les contours et les arêtes. L’homme devient minéral, le minéral devient homme. Le désert devient silence, temps suspendu, parenthèse, arrêt sur image. Un rien. Un tout. Au loin, des silhouettes filiformes, effilées comme des I s’enfoncent, se brouillent, s’effacent dans la poussière d’étoiles. Tu t’assois sur ton nuage de ciel rouge. Tu suis des yeux la luminance qui devient monochrome. Le jour s’éteint comme la fragilité de la flamme d’une bougie dans le fracas de la nuit. Le soleil tombe du ciel ! Sous ton regard d’enfant, la nuit se glace. Ici c’est nulle part.

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