← Retour à la bibliothèque

La poterne des peupliers

Eliane Michalon

Au début ils ne venaient que l’été                dès  septembre  après la vogue      ils redescendaient dans la ville      rue Romarin          au cinquième étage sans ascenseur        Marie peinait de plus en plus dans cet escalier aux  fossiles incrustés dans les marches               Louis portait les bagages              Une année après la récolte des noix                ils sont restés sur la colline         la maison, les pivoines, les iris                 au fond du jardin une vigne                   Louis aidé des voisins vendangeait          une piquette qui brûlait l’estomac                de la rue Romarin ils n’ont gardé que les instruments de musique                  les meubles ils les ont vendus               Marie chantait moins, ,la harpe prenait la poussière                     longtemps elle restait assise dans la cuisine               sur le fourneau               dans une petite soupière blanche au motifs bleus            la soupe réchauffait         à la tombée de la nuit                          elle appelait        Louis              il n’entendait pas toujours                 il revenait vite de la cave      du fond du jardin           avec une salade, une bouteille d’Arquebuse       quelquefois le dimanche   après le repas      Marie chantait encore       les voisins l’entendaient                 s’accompagnant de sa harpe       la semaine, l’hiver surtout    elle ne quittait guère la cuisine       elle  se déplaçait difficilement         devant la table      ses pieds enflés  posés sur un petit banc         elle épluchait les légumes ou cousait         elle était habile     toute une saison elle crochetait              pour réaliser un dessus de lit blanc         la petite fille des voisins venait les voir        avec un morceau de potiron  une poignée de cerises         ils  l’attendaient       Louis racontait la guerre       les tranchées       ses pieds qui n’avaient pas gelé  grâce au papier journal dont il les avaient entourés                                     l’enfant  assise sur le petit banc de Marie      n’écoutait pas vraiment                 Marie brodait            l’un des deux presque toujours Louis  ouvrait le grand placard     sortait le  bocal                plein de pastilles au ton pastel              qui fondaient voluptueusement dans la bouche                la petite fille profitait de l’absence de Louis          elle pénétrait  dans le salon         tant d’objets la fascinaient        elle regardait avec envie      la dînette en porcelaine  pour  poupée         la harpe blanche       en cachette      d’un doigt elle effleurait les cordes          elle repartait toujours avec un présent     des bonbons, des noix          une robe pour sa poupée       une rose pour sa mère             tu reviendras                  Promis.

Les commentaires sont fermés !