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C’était sa voix

Océane Martin

Je me rappelle sa voix poser calmement les mots et les concepts, dans le respect du langage et de notre écoute. Ce français impeccable, aussi articulé que sa pensée. Il parlait dans sa voix douce et grave, pleine, dans laquelle on l’entendait sourire. Son expression suivait sa pensée ; précise, intense, condensée, complexe et juste. Il laissait le temps aux mots de s’imprégner dans nos esprits.

C’était un parler voluptueux et tendre, que je pouvais écouter des heures évoquer les thèmes de la grâce, de la beauté et autres sujets sexy comme il affectionnait les appeler.

Sa voix était à la fois résolument mûre, en ce sens qu’elle était posée, calme, assurée, masculine et à la fois résolument moderne, empreinte d’espièglerie et d’érotisme.

Dans sa voix s’embrassaient le penseur et le séducteur, le vieil ami, l’épicurien. De ce parlé retenu, chaque mot révélé était cherché, pesé, et pensé. Une tension naissait de ce patient domptage de l’esprit qui faisait languir le mien.

Sa parole – un effeuillage, un strip-tease intellectuel.  Chaque mot était cueilli avec respect et justesse. Lentement, il cherchait, allongeant les voyelles, marquant une pause avant de déshabiller les mots de leur coquille de préjugés, avant de décortiquer les idées et les ouvrir face à nous, en douceur, avec allure. Il avait l’art de la juste tournure, ce mouvement furieusement érotique.

Il avait de l’allure, même quand, avec son air grave, il reniflait son coup d’air sec pour clore le sujet.

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