« Les lampes du soir »

Sylvette SIMON

Tu es couchée à 16 h.
Sans lunettes, le drap au menton, ta petite figure d’ivoire est méconnaissable.
Ton regard supplie :
« Georges, tu couches avec moi ? Et toi, Sylvette, tu ne peux pas rester ? »
Ta voisine, de l’autre côté du couloir, serre deux nounours contre elle.
Très fort.
Dans les centres de Long Séjour, les cœurs des visiteurs dégringolent souvent.
Par exemple dans ces chambres décorées de cartes postales où brillent le bleu de l’azur et la turquoise de la mer, de cartes d’anniversaire où des enfants ont écrit : « Joyeux anniversaire, papy ! » ces chambres où l’on est tout gêné de découvrir les bibelots de l’ancienne vie.
Le soir, à la maison, j’ouvre la fenêtre sur le couchant qui se teinte délicatement de rose corail puis éclate en petits nuages ronds, de nacre éblouissante et frange dorée.
On dirait des lampes originales et placides voguant doucement sur l’eau du soir.
Tu es toute proche à vol d’oiseau mais si seule dans le noir, si seule près du couloir à la tapisserie défraîchie, si seule dans ta tête abîmée, si seule dans un monde que personne ne connaît car personne n’en est revenu.
Les crépuscules d’été enchanteurs, tu ne les verras plus et ces lampions dans le ciel, c’est comme ton cortège funèbre.
Ils t’emmènent vers le néant.

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